Interview for Paris Match • Thursday, June 4, 2015

Interview for Paris Match

Interview of Paul McCartney

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Interview

Interview publiée dans le numéro 3446 de Paris Match, datée du 4 juin 2015.

L’an passé, une bronchite l’avait cloué au lit et obligé à annuler ses concerts prévus de longue date au Japon. Mais aussitôt remis sur pieds, l’ancien Beatle n’eut qu’une idée en tête : honorer sa dette et remonter le plus vite possible sur les planches. Avant l’interview, son manager prévient : « Ne lui parlez pas des Beatles ou de sa vie privée, il ne vous répondra pas ! De toute façon, en vingt minutes, il vous faudra aller vite. » McCartney n’entend visiblement pas les consignes de son équipe et prendra le temps nécessaire pour répondre à toutes nos interrogations. Trente-trois minutes plus tard, sa parole reste toujours un événement, surtout à la veille de ses deux concerts en France, vendredi 5 juin au Vélodrome de Marseille et jeudi 11 juin au Stade de France, où, promis juré, il chantera « Michelle » et toutes les autres. Premiers extraits

Vous avez surpris tout le monde en travaillant avec Kanye West et Rihanna en début d’année. Comment cette collaboration est-elle arrivée ?

Paul McCartney . Kanye m’a contacté et m’a dit qu’il aimerait que l’on travaille ensemble. L’idée m’a plu, c’est un garçon très talentueux, un artiste excitant, j’aimais beaucoup son disque “My Dark Twisted Fantasy”. Nous avons décidé de tenter l’aventure en étant d’accord sur un point : si ça ne fonctionnait pas, ce n’était pas grave, ce n’était pas du temps perdu pour autant. Nous nous sommes finalement rencontrés à Los Angeles, j’avais ma guitare, nous avons joué ensemble, j’ai essayé quelques idées au piano et nous avons beaucoup discuté. Ces idées couchées sur bande, je l’ai laissé travailler dans son coin. Sa méthode est de mélanger les ingrédients pour en faire sortir quelque chose.

Mais il n’en est rien sorti tout de suite…
Effectivement. Je n’ai pas eu de ses nouvelles pendant deux mois et, subitement, il m’a envoyé la chanson “Only One”, sur laquelle je joue du piano. Belle surprise, le résultat me plaisait. Puis il a continué à m’envoyer des chansons au fur et à mesure qu’il les terminait. Deux semaines plus tard, j’ai reçu “FourFiveSeconds” sans savoir qu’il avait demandé à Rihanna de chanter dessus. Là aussi, j’étais très content. Puis est arrivée “All Day”, comportant un riff de guitare que je lui avais suggéré. C’était comme un jeu, tout ça m’a beaucoup plu.

Est-ce que vous vous verriez un jour faire un disque entier avec lui ?
Je ne sais pas. J’ai pris les choses comme elles sont venues, je n’ai rien poussé. Évidemment, l’idée d’en faire plus nous plaît à tous les deux, nous avons encore quelques titres dans les tiroirs et Kanye est capable de m’appeler pour me dire : “Paul, j’ai aussi terminé cette chanson.” Mais je ne veux rien précipiter. Nous verrons bien.

La vidéo de “FourFiveSeconds” a été vue plus de 220 millions de fois sur Internet. Avez-vous été surpris ?
Quand elle a franchi les 8 millions de vues, j’ai appelé le manager de Kanye pour lui dire : “Pas mal, mec !” Il m’a répondu : “Oh, nous visons les 100 millions.” Très bien… Et cela a été encore plus loin. Donc, oui, j’ai été plus que surpris. Mais agréablement !

Vous avez démarré cette semaine une nouvelle tournée européenne. Comment choisissez-vous les chansons que vous interprétez ?
La première chose à laquelle je pense, c’est : “Si moi j’étais dans le public de Paul McCartney, qu’est-ce que j’aimerais l’entendre chanter ?” Cela me permet d’établir une première liste. Puis je me demande : “Vu que je suis Paul McCartney, qu’est-ce que j’ai envie de chanter, au-delà des titres les plus attendus ?” Puis j’en parle avec mon groupe, qui propose lui aussi toujours de bonnes idées. Et c’est comme ça qu’on arrive à presque 40 morceaux chaque soir. Je cherche aussi à interpréter deux ou trois chansons qui sont moins attendues, que le public ne connaît pas forcément. C’est une cerise sur le gâteau.

Aujourd’hui, vous donnez l’impression, comme Bob Dylan, de vous être lancé dans une tournée sans fin. Est-ce le cas ?
Probablement, oui. Si vous considérez le temps que j’ai passé sur scène avec Wings ou les Beatles, les concerts ont toujours été une partie importante de ma vie. Alors, oui, aujourd’hui, je n’ai pas l’intention de m’arrêter. Je m’entends bien avec mon groupe, j’aime chanter devant les gens et j’ai la chance d’avoir un public qui a encore envie de m’entendre. Alors pourquoi faire autre chose ? C’est ce qu’il y a de plus naturel pour un musicien. Si vous analysez simplement les choses, mon travail, c’est d’écrire des chansons, de les enregistrer et de les jouer en public. C’est tout.

Est-ce plus plaisant à 72 ans qu’à 20 ans ?
C’est aussi plaisant. Et c’est même parfois plus plaisant, pour être honnête.

Est-ce que la vie en tournée peut être mieux que la réalité ?
Évidemment ! Tous les musiciens vous le diront. En tournée, je suis dans une bulle, on prend soin de moi à chaque instant, on réserve les hôtels pour moi, on s’assure qu’ils sont confortables, on arrange mes transferts. Vous ne vous souciez pas des problèmes d’aéroport, toute la machine est mise à votre service. Et chaque fois que cela se termine, c’est comme une petite dépression. Cela m’étonne toujours un peu quand je dois réserver moi-même une chambre d’hôtel… Tout est tellement plus simple quand on vous met dans une bulle… [Il rit.]

Au Japon comme en Corée du Sud, vous avez été accueilli par des foules en délire comme à l’époque de la Beatlemania. Pourriez-vous vous passer de cette hystérie collective ?
Ça fait toujours du bien de savoir que les gens vous aiment. C’est un sentiment particulier, et c’est la raison principale pour laquelle je fais ce métier. N’importe quel musicien a envie d’être apprécié et écouté. Ne croyez pas celui qui vous dit qu’il s’en fiche. Quand je sors de l’avion et que je vois la foule qui m’attend, ça me fait toujours quelque chose. On ne s’y habitue jamais vraiment. Et je pense même que c’est inspirant.

Pouvez-vous mener une vie normale ? Sortir sans être reconnu, aller au restaurant, au cinéma ?
Cela m’arrive, oui. Et même si les gens me reconnaissent, ils savent, la plupart du temps, qu’il y a une limite à ne pas franchir. Je fais tout pour avoir une vie privée qui soit vraiment privée. Donc, oui, je vais au cinéma, j’achète du pop-corn. Quand je le raconte à mes amis, ils ne veulent pas me croire. Pourtant, c’est vrai ! Je vais aussi faire mes courses moi-même, en ville ou au supermarché. C’est d’ailleurs l’endroit où l’on m’aborde le plus souvent, on me demande une photo. Et je réponds toujours : “Je suis désolé, je ne peux pas, car vous devez forcément savoir combien c’est compliqué pour un homme de faire du shopping !” [Il rit.] Dans ces moments-là, je ne me vois pas comme le mec ultra célèbre qui va monter sur scène. C’est le meilleur moyen pour rester “normal”. Vous savez, il existe un endroit à Saint-Tropez où vous pouvez faire une photo avec un singe. Si j’accepte d’être photographié dans un supermarché ou ailleurs, je me sens vraiment comme le singe. Mais je n’écarte jamais les gens, on discute, on se serre la main, j’essaie de conserver des relations humaines le plus saines possible.

Que faites-vous au quotidien ? Ecrivez-vous tous les jours ?
Je n’écris pas tous les jours, principalement par manque de temps. Aujourd’hui, par exemple, j’ai déposé ma fille [Beatrice, 12 ans, née de son union avec Heather Mills] à l’école, puis j’ai participé à une séance photo pour la couverture d’un magazine anglais, nous faisons cette interview et ensuite je dois aller chercher ma fille. Cela laisse peu de temps pour la musique. Mais je m’arrange en général pour avoir deux heures de tranquillité afin de tenter d’écrire des bricoles.

Sur une année, composez-vous beaucoup, malgré tout ?
Au final, oui. En ce moment je crée la musique d’un film d’animation qui sortira dans deux ans. J’ai accepté le projet parce que je dois écrire pour chaque personnage, dont certains sont des filles. C’est la première fois de ma carrière que je dois me glisser dans la peau d’une femme. C’est le genre de défi qui permet de rester alerte, de ne pas se lasser. C’est toujours la même histoire : comment ne pas se répéter, comment inventer quelque chose que vous n’avez jamais fait. Pour moi, c’est en général assez compliqué…

Etes-vous lassé de la chanson pop à l’ancienne ?
Je ne pense pas, car je ne donne pas tant de concerts que cela. Depuis mon divorce, mon emploi du temps se construit autour de la garde de ma fille. Donc je ne peux pas me permettre de partir des mois sur la route. Je peux chanter deux semaines, puis j’ai sa garde les deux semaines suivantes. Quand je suis avec elle, je reste à la maison et je joue au papa, cela m’occupe énormément. Alors, quand je me retrouve sur scène, ce n’est qu’une partie de plaisir. Je n’ai jamais eu l’impression de trop interpréter les vieux tubes. Si je me produisais tous les soirs, il y a de fortes chances, en revanche, que je finisse par m’ennuyer…

Certaines de vos chansons sont-elles plus difficiles à chanter que d’autres ? “My Love”, que vous avez écrit pour Linda par exemple…
“The Long and Winding Road” est parfois difficile à interpréter [la chanson évoque la fin des Beatles]. Et surtout le titre que j’interprète pour John, “Here Today”, est toujours compliqué. Un soir que je chantais “Let It Be”, j’ai aperçu un père et sa fille qui se regardaient d’une manière très tendre, pleine d’amour. Cela m’a touché au point que j’ai perdu le fil. J’ai eu l’impression d’avoir écrit la bande originale de leur vie.

Vous considérez-vous comme un artiste politique ?
Pas vraiment. J’ai des convictions, et beaucoup de gens me suivent, veulent savoir quelles sont les causes que je défends. Cela revient d’une certaine manière à faire de la politique. Certaines de mes prises de position ont été fortement relayées, comme mon combat végétarien, mais je ne me vois pas du tout comme un animal politique. En ce moment, le problème du changement climatique m’interpelle. Beaucoup de corporations, de politiques nous disent que ce n’est pas un problème. Je ne suis pas d’accord, c’est l’un des défis majeurs qui nous attendent, très concrets. Et j’espère que la conférence sur le climat servira à quelque chose.

Que pensez-vous de la situation politique actuelle en Grande-Bretagne ?
Publiquement, je m’en tiens à distance. Je ne connais pas assez les choses en profondeur pour m’exprimer sur ce sujet. Mais rassurez-vous, je sais qui j’apprécie chez les hommes politiques anglais, j’ai une idée sur qui sera le meilleur pour faire le boulot. Mais je ne veux pas me faire récupérer par les partis. Cela me mettrait dans une situation dangereuse… Certains artistes sont très engagés politiquement, comme beaucoup de mes amis musiciens, ils veulent vous persuader du bien-fondé de leurs positions. Mais cela ne m’a jamais semblé important. Chacun doit pouvoir se faire son propre avis sans être influencé par celui d’un chanteur.

Vous êtes d’ailleurs plus proche de la Reine que de la classe politique…
[Il rit.] Je l’aime énormément. La monarchie est toujours un sujet compliqué lorsque l’on n’est pas anglais. Les gens n’y croient pas. La famille royale est d’abord une source de revenus pour le tourisme au Royaume-Uni. La plupart des gens ne savent pas qu’elle n’a aucun pouvoir. Quand j’ai rencontré Nancy, mon épouse, d’origine américaine, elle pensait que la Reine avait un pouvoir politique. Moi, j’ai grandi avec elle et je suis convaincu qu’elle a réussi à conserver le Royaume-Uni uni. Et c’est une sacrée tâche accomplie… Je sais que tout le monde n’est pas d’accord. Mais j’ai toujours vu en elle quelqu’un de très sensible, de préoccupé par son rôle, avec un vrai sens de l’humanisme.

L’avez-vous rencontrée lors d’audiences privées ?
Non, jamais. J’ai eu la chance de la croiser souvent lors de manifestations officielles, où elle a toujours pris le temps d’avoir une brève conversation avec moi. Mais je n’ai jamais été convié chez elle à prendre le thé ! Je pense qu’elle connaît mes chansons, vu la durée de son règne. Quand vous le mettez en perspective avec l’histoire des soixante dernières années, cela revient forcément aux Beatles. Nous avons été un grand moment de son règne, et je suis fier d’avoir participé à cette partie de l’Histoire.

Etes-vous soucieux de l’héritage que vous laisserez ?
Bien sûr ! Je ne fais rien pour, je n’y pense pas, mais l’une de mes plus grandes fiertés est de savoir que les Beatles sont désormais dans les livres d’histoire. Que nous avons été importants aussi bien pour la musique que pour la société. Et j’aime l’idée que les Beatles, comme moi personnellement, se sont battus pour les droits de l’homme et du citoyen. Si tel est notre héritage, j’en suis vraiment fier. Et il semble aussi que la musique que nous avons inventée était vraiment cool. Non ?

Si John et George étaient toujours là, les Beatles se seraient-ils reformés ?
Ça aurait été envisageable, les choses finissant par s’apaiser entre nous. Mais, au final, je ne pense pas que nous aurions cédé à ces sirènes. Ce que nous avons accompli était presque parfait. Nous avons toujours eu le sentiment d’avoir bouclé la boucle, en ayant entre-temps réussi des choses incroyables. Une reformation aurait pu détruire tout cela. Au fond de chacun d’entre nous, nous aimions tous l’idée de garder les Beatles comme quelque chose de pur. Et cela aurait été la meilleure décision à prendre.

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